Que vous soyez à Beyrouth, au Caire, à Casablanca ou à Bagdad, sa voix retentit et parle aux élans du cœur. Etre arabe, c’est surtout prendre un café ou un thé sur sa véranda avant le crépuscule, écouter un morceau de musique et regarder l’horizon avec de la nostalgie dans le cœur et de l’espoir dans les yeux. Le morceau de musique qui bourdonne tout autour c’est une chanson des grands classiques : Abdel-Wahab, Farid Al-Atrache, Oum Kalthoum, Fahd Balane, Abdel-Halim ou encore la bellisima Fairouz. Une des dernières titanes de la chanson arabe qui continue encore à faire vibrer les cœurs et les corps de joie, de bien-être et de rêve ! Fairouz c’est notre enfance et notre jeunesse. Le premier amour, le premier chagrin d’amour, c’est une voix faite pour se perpétuer et pour chanter les non-dits de tous les amoureux qu’ils aient aimé des êtres chers ou une patrie.
On a cette habitude de dire en Egypte : quand l’hiver approche, il faut prendre une boisson chaude- de préférence un café- et écouter Fairouz pour se réchauffer face au froid et à la pluie ! De toute façon, si vous vous réveillez tôt et que vous devez aller au travail, vous ne raterez pas à la radio une heure de chanson avec Fairouz. Sa voix se mêle à notre présent pour le colorer et lui donner un goût moins morose et un peu féérique. Fairouz c'est Alexandrie, la ville des amours, c'est la trahison qui meurtrit le cœur d'une femme animée d'un amour inconditionnel et qui continue à attendre son bien-aimée, c'est la Palestine et l'identité libanaise. Mille et une sensations naissent dans vos veines avec sa voix. Le Progrès Egyptien vous emmène dans le monde magique de la femme qui a maintenu sa place dans les premiers de la musique arabe depuis près de cinq décennies. Depuis la mort de la diva de la chanson arabe Oum Kalthoum en 1975, aucun chanteur arabe n'a atteint le niveau d'adulation de Fairouz, 84 ans, qui a exalté l'amour, la liberté, son Liban natal et la Palestine. Incarnation de l'âge d'or d'un Liban prospère et bouillonnant de culture, Fairouz, pseudonyme qui signifie « turquoise » en arabe, n’est pas une simple chanteuse, mais une véritable icône de la culture arabe. Malgré son absence, sa voix paradisiaque continue à animer les ondes des radios arabes. Très discrète, Fairouz, de son vrai nom Nouhad Haddad, a donné de rarissimes interviews pendant sa carrière. On connaît très peu de choses sur sa vie privée. Il faut reconnaître que ce silence a été dopé par son visage rarement expressif, sa vie privée très protégée. Autant d’éléments qui lui ont attribué l’image d’une Madone quasi-mystique.
Légende la chanson arabe, voix d’or, Fairouz est née le 21 novembre 1934. Elle passe son enfance à Beyrouth et se fait vite repérée à l’école pour son talent inéluctable. Elle commence ses petits pas à la radio, et le compositeur Halim Al-Roumi, qui reconnaît tout de suite cette pépite d’or, lui donne son surnom et la présente aux Frères Rahbani. « Dans les années 1950, elle épouse le compositeur Assi Rahbani qui, avec son frère Mansour, donnent un goût particulier à la chanson et à la musique arabe traditionnelle en mêlant morceaux classiques occidentaux, russes et latino-américains à des rythmes orientaux, sur une orchestration moderne. C'est après ses premiers concerts au Festival international Baalback, au milieu des ruines de ce site libanais antique, que la carrière de Fairouz s'envole. Elle donne vie aux paroles de grands poètes arabes - les Libanais Gibrane Khalil Gibrane, Saïd Akl ou le poète Ahmed Chawki -, tandis que ses chants patriotiques se sont incrustés dans la mémoire des Libanais et du reste du monde arabe. Elle a également brillé dans une dizaine d'opérettes et au cinéma - comme Le Vendeur de bagues (1965) du réalisateur Youssef Chahine. Et, puis, les nuits de Noël qui n’aime pas écouter sa chanson « Leïlat Eïd » (Nuit de fête). Des paroles qui réchauffent le 31 décembre et qui donnent à la voix de la Diva libanaise une ambiance particulière liée à Noël et au Nouvel an.
Tout au long de sa carrière, Fairouz a su gagner l’amour et le respect de ses auditeurs : d’abord, parce qu’elle a souvent chanté pour la cause palestinienne, mais aussi, parce qu’elle s’est toujours alignée sur sa patrie notamment durant la guerre du Liban. Refusant de s’exiler comme tant d’autres l’ont fait, Fairouz demeure dans son pays natal, ce qui lui a valu le respect de tous. Elle dédie des chansons très célèbres à la Palestine, La fleur des cités, à Jérusalem, après la défaite de 1967.
Elle se produit dans son premier concert post-guerre au centre de Beyrouth, devant des dizaines de milliers de Libanais en pleurs. Adulée par les aînés, elle devient l'icône des jeunes lorsque son fils Ziad lui composera des chansons influencées par des rythmes de jazz. L’année 1979 qui vit la séparation du couple artistique Fairuz-frères Rahbani, vit aussi naître le premier album de Fairuz dont les compositions étaient toutes signées par son fils Ziad Rahbani. L’album Wahdoun (Seuls) est un tournant dans la carrière de la chanteuse qui s’adonne pour la première fois aux mélodies et arrangements jazzy de son fils (Wahdoun, al bosta), qui a pu aussi lui composer des mélodies orientales dans un style se rapprochant de celui des « frères » (Habbaytak ta nsit ennawm- Je t’ai aimé à en oublier le sommeil -, ana andi hanine- Je suis nostalgique -). Mais le public, habitué aux textes romantiques des frères Rahbani a été au rendez-vous aux textes crus de Ziad et son humour différent. Cet écart de vision entre « anciens » et « modernes » renaît d’ailleurs avec chaque nouvel album de la chanteuse.
Fayrouz entretient des relations amicales avec l'État français. Elle a reçu les plus hautes distinctions françaises, notamment la médaille du chef des arts et des lettres du défunt Président français François Mitterrand en 1988 et chevalier de la Légion d'honneur du défunt président Jacques Chirac en 1998. Le 31 août 2020, alors que le Liban est en crise, le Président français Emmanuel Macron s’y rend et durant cette visite éclaire, il rencontre la Dolce Vita de la musique arabe autour d’un café chez elle. Au cours de cette rencontre, le chef de l’Etat français a décoré la chanteuse de 84 ans en reconnaissance de son talent et de son engagement envers son pays. Interpellé par les journalistes et les manifestants à l’extérieur de la demeure de la légende de la chanson arabe, Macron a considéré que la rencontre avec Fairouz était très intéressante et enrichissante. « Je lui ai dit ce qu’elle représentait pour moi et pour le Liban que nous aimons… » a-t-il affirmé. Il a même ajouté que « A Beyrouth » était sa chanson préférée.
Par ses chansons, sa voix suave, Fairouz reste réellement l’emblème de l’amour qu’on attend et qu’on guette tout au long de notre vie. Elle est ce sucre d’orge qui vient tracer un arc-en-ciel les jours de pluie !
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